Ghana : Une femme fait vivre des dizaines de familles grâce à la pêche

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Aba Mensa, 58 ans, est l’une des rares femmes d’Anomabo dans le centre du Ghana à posséder plusieurs bateaux de pêche. Partie de rien, elle emploie aujourd’hui plus de cent personnes.

Alors que le soleil se lève en cette matinée dominicale, la plage d’Anomabo bourdonne d’activité. Dans ce village de pêcheurs artisans dans la région centrale du Ghana, la plupart des pirogues parties en mer dès l’aube ou depuis la veille, sont de retour sur terre. Par dizaine, des pêcheurs s’aident à tirer les longues pirogues en bois hors de l’eau.

Vêtue d’une robe en pagne multicolore, un petit téléphone portable noire dans la main gauche, madame Aba Mensa sillonne la plage. D’un pas pressé, elle marche et s’arrête de temps à autre pour échanger quelques mots avec des pêcheurs. Ici, presque tous l’appellent affectueusement « Maman Aba ».

Agée de 58 ans, Madame Aba Mensa est tout sauf une femme ordinaire. Elle est l’une des très rares femmes propriétaires de pirogues. Aba Mensa en possède jusqu’à quatre. Chaque pirogue compte 37 membres d’équipage.

Madame Aba raconte comment elle en est arrivée là : « J’étais avec mon mari à Abidjan pendant quelques années. Il y a eu des problèmes entre nous et nous nous sommes séparés. Je suis revenu au Ghana. Je réfléchissais à ce que j’allais faire pour commencer une nouvelle vie sans mari. C’était difficile ».

Elle poursuit : « Avec mon ex-mari j’avais déjà l’expérience dans le travail de la pêche. J’ai pris mes économies et aidée par mes petits frères je suis allé dans la forêt où j’ai acheté 12 pirogues en bois avec des charpentiers. J’ai ramené les pirogues ici. J’ai vendu 8 et j’ai gardé 4 pour moi-même. J’ai utilisé l’argent que j’ai eu pour équiper les 4 pirogues en filets et en moteurs hors-bord ».

Avec ses quatre pirogues, Aba Mensa est assurée de disposer de poisson qu’elle fume pendant les périodes de pêche. Huit femmes l’aide à fumer le poisson. Après fumage, le poisson peut être conservé jusqu’à six mois pour être vendu au moment où les prix sont intéressants. « Je pars vendre mes poissons à Accra à Kumasi et à Mankessim. Au retour j’achète le maïs, l’huile de graine de palm, le gari [couscous de manioc]que je viens vendre ici », explique Aba Mensa. « C’est avec ce que me rapporte mes quatre pirogues que j’ai pu construire dix fours, 70 grillages et un hangar où on fume le poisson », dit-elle avec fierté.

Chaïbou Yakoubou, frère cadet de madame Aba, se dit très fier de sa sœur ainée. « Elle fait de travail depuis toute petite avec notre maman. Aujourd’hui, elle est un exemple pour beaucoup de personnes », dit-il.

Kwamé Béchi est le capitaine de la pirogue n°2 de madame Aba. Il témoigne : « C’est grâce à cette dame que nous avons du travail et que nous arrivons à nourrir nos familles. Donc à chaque fois qu’on part à la pêche on fait tout notre possible pour avoir le plus de poisson pour lui faire plaisir. Elle compte beaucoup pour nous ».

ghana_02Mais ce dimanche matin, lui et son équipage sont rentrés bredouille de la expédition en mer. « Notre filet a été détruit par un grand bateau. Nous sommes revenus pour essayer de le recoudre pouvoir repartir à la pêche », explique-t-il.

Ce genre d’accident serait de plus en plus fréquent. Cela s’explique par le manque de surveillance des activités de pêche par l’administration ghanéenne. Les pêcheurs artisans sont ainsi livrés à leur propre sort.

« Maintenant je m’arrange avec les pêcheurs pour que dans chaque pirogue il y ait au moins une personne qui sache lire et écrire. En cas d’accident, cette personne peut relever le numéro du bateau. Avec ces informations, on peut au moins tenter de retrouver le bateau et de négocier un dédommagement », explique Aba Mensa.

Elle souhaite surtout l’intervention du gouvernement ghanéen pour protéger davantage les pêcheurs artisans et leurs matériels.

Inoussa Maïga

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