Nigeria : Rôle des institutions de microfinance et des compagnies d’assurance dans la pêche artisanale

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La pêche artisanale est le principal moyen de subsistance de millions de nigérians, particulièrement pour les populations vivant dans les zones côtières du sud du pays. Le secteur a toutefois été confronté à un manque de financement qui, avec une intervention appropriée des sociétés d’assurance et des microfinances, peut permettre de relancer une production durable importante dans le secteur.

Par Yusuf Akinlotan et Isa Elegbede

Selon un rapport statistique sur la pêche au Nigeria, la demande annuelle de poisson du pays est estimée à 3,32 millions de tonnes métriques. La production nationale représente 1,12 million de tonnes, tandis que 2,22 millions de tonnes sont assurées principalement par l’importation. Cela a fait du Nigeria le quatrième plus grand importateur de poisson au monde.

Plus de 20 % de la superficie de Lagos est couverte d’eau, ce qui fournit à l’État des plateformes viables pour la production de fruits de mer, notamment en ce qui concerne la pêche artisanale. Epe, Badagry, Ikorodu, Makoko et certaines autres zones côtières de l’État sont identifiées comme des centres dynamiques de production locale de poisson.

Selon Abisola Olusanya, le Conseiller Spécial du gouverneur de l’État Babajide Sanwo-Olu, en matière d’agriculture, Lagos a besoin de plus de 372 000 tonnes métriques de poisson pour assurer la demande de consommation.

Pourtant, elle ne peut produire que 155 000 tonnes métriques en combinant la pêche artisanale et la pisciculture dans l’État. Cette situation révèle que la demande est supérieure à l’offre, ce qui laisse supposer un écart important ou des maillons manquants entre les pêcheurs locaux et l’inadéquation entre l’offre et la demande.

Toutefois, quels sont les facteurs susceptibles de limiter la production durable et d’affecter la croissance du secteur au Nigeria ? Voici les résultats des interactions avec les pêcheurs locaux à Badagry, Epe, Ikorodu ainsi qu’avec d’autres parties prenantes sur le terrain.

Le ravitaillement en poisson

Les activités des pêcheurs artisanaux ont des aspects différents selon leur histoire. Outre les facteurs environnementaux, l’un des problèmes auxquels ils sont actuellement confrontés est celui de leur survie.

Le conflit opposant les pêcheurs artisanaux aux opérateurs du secteur de la pêche industrielle qui se trouvent dans les zones de pêche de 5 Milles Nautiques (NM) reconnues par la loi pour les activités de pêche artisanale font partie des facteurs externes qui affectent la pêche.

Segun Zebulon, un pêcheur de la lagune de Bariga, à Lagos, explique que les grands navires détruisent souvent leurs filets de pêche en mer sans aucune forme de compensation. Pour le Dr Emmanuel Babatunde, du département des sciences de la mer de l’université de Lagos, à Akoka, qui est spécialisé dans les engins de pêche et des questions de ressources halieutiques, le problème est qu’il existe des activités de pêche à petite échelle et la pêche commerciale ou industrielle.

Il a déclaré : « La pêche artisanale utilise principalement de petits intrants de faible technicité pour la pêche. C’est ce qui ressort de nos études réalisées jusqu’à présent dans certaines zones de Lagos et dans certaines parties côtières de l’État d’Ondo. Nous nous sommes rendu compte que certaines de ces personnes n’ont pas assez de ressources pour poursuivre leurs activités ».

Les recherches ont également révélé que les habitudes d’épargne de ces pêcheurs sont médiocres en raison des faibles revenus générés par la production. Cependant, l’impact du changement climatique pourrait également être un facteur clé qui influencerait leur parcours.

Crédit photo : Senami Kojah

C’est également l’avis du Dr Jerome Fisayo, directeur de recherche au sein du Département des ressources halieutiques et de la section de biologie maritime de l’Institut nigérian d’océanographie et de recherche maritime (NIOMR), sur l’île de Victoria, à Lagos, au Nigeria.

Il affirme que la saison affecte leurs prises le plus souvent, pendant la saison des pluies, bien qu’il ait plus de poissons pour eux, les vagues affectent leurs activités de pêche.

S’agissant des efforts de l’institut pour son soutien aux pêcheurs, le Dr Fisayo déclare : « Avec le temps, nous avons la possibilité de mener des discussions de groupe ciblées, des campagnes de sensibilisation et d’information sur certaines espèces en voie de disparition. En outre, nous nous démarquons de notre objectif en les interrogeant sur leur démographie et leur situation financière ».

Sejiro Michael Oke-Tojinu, pisciculteur, vit dans la région de Badagry, dans l’État de Lagos. Il est également vice-président des pisciculteurs de l’État de Lagos. Il est convaincu que l’accès aux financements contribuera largement à changer leur parcours dans ce secteur.

« Nous n’avons pas accès aux ressources financières comme nous le souhaiterions, donc la plupart du temps, ce sont les recettes des ventes que vous obtenez qui sont réinvesties dans le commerce. C’est l’un des défis que nous devons relever avec les pisciculteurs en général », a-t-il souligné.

Taiwo Olakunle, diplômé de l’université de Lagos et spécialiste dans les questions de pêche avec de longues années de carrière, a déclaré que cela dépend de l’individu car la plupart des pisciculteurs considèrent ce travail comme un passe-temps. Mais pour lui, la pêche est un moyen de subsistance.

« Eh bien, pour quelqu’un comme moi, c’est le seul moyen de subsistance que je dispose. Je ne fais rien d’autre, tout ce que je fais est lié au poisson ; la consultation, la construction, tout ce que je fais y est lié. Mais d’autres personnes le font probablement comme un passe-temps, mais la plupart des gens qui pratiquent l’agriculture à plein temps n’ont pas d’autres sources de revenu », a-t-il déclaré.

Sans aucun doute, la pêche, comme d’autres emplois, est exposée à des revers. Ceux-ci peuvent prendre la forme de risques associés tels que les dommages aux outils, les pirogues, les catastrophes, les vols, les attaques contre les pêcheurs, les maigres prises, entre autres.

Avec les défis identifiés auxquels est confrontée la pêche artisanale au Nigeria, il est nécessaire que les entreprises interviennent dans le domaine de l’assurance et la microfinance. Face aux faibles revenus et à l’épargne insuffisante des pêcheurs, le Dr Aderonke Lawal-Are, président de la Fishery Society of Nigeria (FISON), section de Lagos, leur conseille de former une coopérative opérationnelle, car cela leur permettrait d’accéder aux prêts disponibles.

Intervention en matière d’assurance et de microfinance

Il y a des centaines de sociétés d’assurance enregistrées et encore plus de banques de microfinance agréées par la Banque centrale du Nigeria, CBN. ,Elles sont censées servir de plateformes viables pour le rajeunissement du secteur de la pêche artisanale si les pisciculteurs nationaux s’y impliquent et sont sur la même longueur d’onde que les deux institutions financières. Mais certains pêcheurs ont déclaré que la plupart d’entre eux ne peuvent pas faire face aux conditions qui leur sont imposées.

Ahizu Ashade, le président des pêcheurs de Badagry, tout en relatant son expérience, reconnaît l’idée d’institutions financières comme la microfinance mais affirme que les membres de l’association ont du mal à respecter les conditions des banques. « Nous, les pêcheurs, préférerions notre propre système d’épargne (une sorte de micro activités à notre manière entre nous) car lorsque nous allons dans ces banques, on nous dit de venir et de garder l’argent pendant trois mois et il n’y a aucune garantie que nous atteindrons notre objectif avec les ventes», a-t-il déclaré. Ces conditions ont, en effet, contribué aux raisons pour lesquelles les pêcheurs se désintéressent de la question de l’assurance ou de microfinance.

En abordant cette question, un professeur spécialisé dans le domaine de la pêche et chef de Département à l’université d’État de Lagos, Ojo Lagos, Sheu Akintola, a déclaré que les pêcheurs sont généralement décrits comme le parent pauvre. En même temps, ils manquent aussi d’informations adéquates sur les programmes d’assurance et de microfinance.

« Il y a toujours eu un déficit d’information et un manque de programmes appropriés pour s’assurer que ce secteur critique de notre économie soit pris en compte », a-t-il déclaré. Selon le directeur commercial d’Al Barakah Microfinance, Agboola Rasak, il est préférable que les pêcheurs viennent en groupe ou en association plutôt qu’individuellement.

« Nous apprécierons que les pêcheurs  s’organisent en groupe. Par exemple, nous avons une ferme piscicole à Ikorodu, l’une des plus grandes de l’État de Lagos. Néanmoins, il est important qu’ils se retrouvent dans un groupe afin de partager leurs idées, leurs connaissances et leurs diverses expériences en matière de risques », a-t-il noté.

En ce qui concerne les risques encourus par les pisciculteurs nationaux, Niyi Abiola, représentante des services généraux de Leadway Assurance, a confirmé dans une interview que son département chargé de l’agriculture s’occupe de la pêche artisanale, qui est un sous-segment de son programme d’assurance agricole.

Le soutien proactif des institutions de microfinance et des sociétés d’assurance, ainsi que l’aide gouvernementale sous forme de prêts sans intérêt et d’investissements privés massifs, aideront le secteur de la pêche artisanale à atteindre une production halieutique durable. Cette évolution permettrait de résoudre certaines difficultés majeures dans le secteur, principalement celui de la pêche artisanale.

Cet article a été réalisé avec l’appui du REJOPRA, le Réseau des Journalistes pour une Pêche Responsable et durable en Afrique.

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