Pêche artisanale en Guinée: Le commerce de poissons, un travail capital

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Le Port artisanal de Bonfi, à Conakry, est situé dans la commune de Matam, sur le littoral sud de la capitale guinéenne. Ce lieu de rencontre de plusieurs nationalités reçoit tous les jours des centaines voire des milliers de personnes, à la quête des produits de mer. Dans ce port, les femmes assurent la commercialisation des poissons tandis que la majorité des hommes, eux, assurent la capture des produits de pêche. Sous un soleil de canicule, en plein air, parmi les débris et des détritus, les femmes exposent leur poisson. Parmi elles, Adama Tely Diallo, âgée de 44 ans, mère de quatre garçons, exerce cette activité depuis sa tendre enfance.

  Tély Diallo et le commerce du poisson, une histoire de vie

 « J’ai hérité cette activité de mes parents. J’ai compris que c’est un travail sérieux. Je l’exerce avec amour. Depuis plus de 20 ans déjà, je travaille pour moi-même et je gagne ici ma vie », exalte Madame Diallo.

Selon cette mère de famille, ce travail représente tout pour elle. « C’est grâce à cette activité que je vis. Grâce à elle, je mène une vie de foyer paisible. Je paie la scolarité de mes enfants grâce à ce travail également. Les gens de mon quartier me respectent à cause de ce que je fais. Parce qu’aujourd’hui, si tu ne travailles pas, même ton propre enfant ne te respectera pas. A partir de ce que je fais, je reste le pilier de ma famille.  Cette activité est importante dans ma vie », rassure-t-elle.

Au débarcadère de Bonfi, les activités commencent à 5 heures du matin et se poursuivent jusqu’à 22 heures, parfois au-delà. Adama Tely, quant à elle, se rend tous les jours à son lieu de négoce à 6 heures. Et elle y travaille jusqu’à 16 heures ou 18 heures, selon le nombre de poissons qu’elle doit vendre par jour. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées au quotidien, Mme Diallo ne se décourage pas. « La situation actuelle est très dure chez nous les vendeuses », se confesse-t-elle. Parlant de leurs conditions de travail au niveau du port, la mareyeuse raconte tout d’abord leur rapport avec les pêcheurs. « Quand ils s’apprêtent à aller en pêche, ils viennent, on leur donne de l’argent, et à leur retour, ils nous envoient du poisson. Si les poissons sont vendus ici à 18 000 GNF (1,8 euro) à l’unité (kg), ils nous vendent à 16 ou 17 000 GNF (1,7 euro). Nous aussi on gagne 1000 GNF (1 centime) de bénéfice », souligne la vendeuse.

Manque des outils de travail et de la conservation ?

Pour exercer ce métier, il faut réunir un certain dispositif notamment, de l’argent, de frigos, l’électricité, de la balance, entre autres. Faute des moyens adéquats, Dame Diallo, pour la conservation de ses poissons, utilise de la glace. « Si on ne pèse pas, on ne peut pas savoir si on a bénéficié ou si on a perdu. Si on pèse par exemple 100 kg, on fait sortir 1 ou 2 millions GNF (100 ou 200 euros), il nous faut décompter pour savoir à combien on a acheté un poisson et à combien on revend l’unité. Si tu connais à combien tu as pris, tu sauras à combien tu vas revendre », explique notre interlocutrice.

Les contraintes ne se limitent pas à ce stade. Après l’achat des poissons, les détaillantes du poisson ont un lieu où elles installent leurs conservateurs. « Nous avons des difficultés à avoir des bons frigos. Nous avons déposé des congélateurs vétustes pour nous permettre de passer notre temps. Chaque fin du mois on paye aussi le prix de l’emplacement de nos congélateurs. Après l’achat des poissons, nous partons encore acheter un casier de glace pour la conservation. Faute d’électricité, actuellement la glace est chère. Nous achetons 1 ou 2 casiers par jour. Et chaque casier nous coûte 25 000 GNF (2,5 euros). Tous les jours, nous sommes contraintes d’acheter de la glace. Si nous manquons de la glace, nous perdons d’office, parce que nos poissons vont pourrir ».

Quid du prix, du manque de poissons et de l’écoulement des produits…

Par le passé, Mme Tély Diallo prenait un kilogramme de poissons à 10 000 GNF (1 euro), aujourd’hui, elle le prend à 30 000 GNF (3 euros). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette hausse.  « Avant, quand les pêcheurs partaient à la pêche, ils revenaient en deux jours. Maintenant, le poisson se fait rare. Quand ils partent, ils peuvent faire deux semaines avant de revenir », déplore la vendeuse.

Dans un passé récent, les marchandises s’écoulaient les weekends. Cela s’explique par le fait que, d’habitude, les gens font des cérémonies les samedis ou les dimanches. « Mais maintenant, regrette Adama Tely Diallo, on ne parvient pas à vendre même un kilogramme les weekends. Aujourd’hui nous écoulons nos produits de mer par coup de chance. Parfois on peut vendre entre 500 mille (50 euros)  à 1 million GNF (100 euros). Il arrive aussi où on peut ne pas pouvoir vendre même un franc jusqu’à trois jours ».

La concurrence menée par des « mareyeurs »

L’autre problème auquel sont confrontées les mareyeuses au port de Bonfi, est l’attitude de certains hommes. Ces derniers montent à bord des pirogues pour acheter les poissons. « Les femmes peuvent monter à bord des pirogues pour acheter les poissons, mais la loi ne nous permet pas.  C’est pourquoi, nous attendons que les pêcheurs, eux-mêmes, nous ramènent les poissons sur la terre ferme. Pour les encourager, quand un pêcheur a besoin d’argent et qu’il vient nous en demander, nous le lui donnons.  Souvent, nous pouvons lui donner jusqu’à 500 000 GNF (50 euros) par exemple. Ainsi donc, nous attendons son retour pour récupérer notre prêt grâce aux poissons qu’il est censé nous donner. Malheureusement, des hommes peuvent se précipiter vers cette même pirogue sur le rivage pour acheter les poissons avec notre créancier. Bien sûr, ce dernier remboursera le prêt. Mais pour avoir des poissons à vendre, nous sommes obligés de les acheter avec ces hommes « mareyeurs ».  Cette situation, nous complique vraiment la tâche. Ces hommes entravent nos opportunités », se plaint-elle.

Selon elle, cette concurrence de ces « mareyeurs » s’explique aussi par le fait qu’ils offrent aux piroguiers « du chanvre indien à la place de l’argent ». En contrepartie, « les pêcheurs prennent leur cargaison de poisson pour le leur donner. C’est aussi une autre cause de la hausse du prix des poissons. Les intermédiaires sont un véritable problème pour les consommateurs ».

Pour pouvoir continuer cette activité avec moins de problèmes, Mme Diallo et les autres femmes, cherchent un appui financier afin de booster leurs commerces. « Ailleurs, on assiste les mareyeuses, les vendeuses de poissons. Si nous pouvons recevoir une assistance financière chez nous au port de Bonfi, cela nous aiderait. Nous avons surtout besoin des frigos pour la conservation de nos poissons et la baisse du prix des produits halieutiques », plaide Adama Tély Diallo.

Aliou Diallo à Conakry

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