Nigéria : Décryptage de l’impasse de la pêche dans la rivière d’Anambra

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C’était à peine une semaine avant le Noël. L’enthousiasme était dans l’air et les familles se préparaient activement à participer à la saison des fêtes. Chukwudi Obidike, un homme de 46 ans, pêche depuis son plus jeune âge dans la rivière Anambra, située dans l’Etat d’Anambra au Sud-Est du Nigeria.

C’était la période de l’année pour aller pêcher dans la rivière Anambra. Alors, quand il partit avec son partenaire, Chukwudi Obidike, pour une sortie de pêche    dans la rivière Anambra, il avait l’espoir de réaliser de bonnes captures.

Toutefois, lorsque sa petite pirogue s’était t immobilisée sur le débarcadère au petit matin de mi-décembre, Chukwudi Obidike ne pouvait pas cacher sa déception. Sa compagne de pêche dans la fameuse rivière d’Anambra était loin d’être riche en événements. Lorsque les doigts tremblants d’Olimpio ont enfin ouvert le couvercle pour laisser place aux femmes marchandes bruyantes d’inspecter les stocks, il était évident pour tout le monde que les  ressources halieutiques de la  rivière Anambra étaient en déclin. Le binôme n’a pu présenter qu’une poignée de poissons tilapia et le poisson chat de petite taille comme capture durant toute leur campagne de pêche de la tombée de nuit a l’aube.

Il y a quelques années Obidike aurait retourné avec un bateau rempli de poissons et les acheteurs auraient payé grassement pour ses prises après la traditionnelle séance de négociation de prix. Et il sourirait sur le chemin de retour à la maison triomphalement en anticipation à la prochaine sortie dans la rivière d’Anambra. Le cas d’Obidike n’est pas isolé ; des dizaines de pêcheurs, qui ont passé une grande partie de leurs jours ou nuits de pêche dans la rivière partagent des histoires similaires. « C’est maintenant une bataille contre vents et marées, une survie basée sur l’endurance et la persévérance », rétorqua Obidike au journaliste. « Tout le monde souffre maintenant dans cette affaire. Avant on trouvait beaucoup de poisson si on travaillait jusqu’a l’aube, mais il me semble comme si les poissons ont développé des ailes et disparu dans l’air raréfié », ajoute-il.

Mike Anekwe, un autre pêcheur qui se spécialise dans le filet-piège, a en outre révélé que les faibles captures de poissons ont de plus en plus des répercussions sur l’industrie de la pêche locale.  « Tout le monde lutte maintenant pour survivre. Des pêcheurs aux vendeuses de poissons, les faibles captures de poissons compromettent notre capacité à subvenir aux besoins de nos familles. A moins qu’un miracle se produise pour changer la situation, l’industrie va bientôt s’effondrer comme la plupart d’entre nous va arrêter la pêche et chercher quelque chose d’autre à faire », a dit-il.

Le changement climatique affecte les ressources

La rivière d’Anambra de 210 kilomètres (environ 130 milles) qui se jette dans le fleuve Niger est, sans doute, une des rivières les plus exploitées dans le sud Est du Nigeria. Des dizaines de pêcheurs, à l’aide de divers outils de pêche patrouillent la rivière tous les jours ou tous les soirs dans la poursuite de leurs moyens de subsistance grâce a la Pêche. En plus de l’agriculture, la pêche dans la rivière est une activité prédominante des populations de la province locale d’Anambra Ouest et Est et côtières dans l’état d’Anambra, au Nigeria. Au fil des années, la vente de poissons frais pêchés dans la rivière est devenue une entreprise florissante en Otuocha, Onitsha et autres marchés au sein de l’état d’Anambra

Malheureusement, la situation a radicalement changé. L’exploitation impitoyable de la rivière d’Anambra ces derniers temps, associée à des effets néfastes du changement climatique a entraîné en déclin dans la population de poissons dans la rivière et de la mauvaise récolte de ressources halieutiques

« Le changement climatique est progressivement entrain de pousser les pêcheurs dans ce domaine au chômage due à des captures faibles et continues. Durant les dernières années, cette période était le meilleur moment pour la pêche, mais aujourd’hui les pêcheurs se plaignent de mauvaises captures, étant donné que les poissons se cachent dans la profondeur de la rivière due aux températures élevées » a déploré Nneli Cliff Ike, de la Fondation de l’Espoir des Villages Africains, une Organisation Non gouvernementale, œuvrant pour la restauration et le développement des communautés Rurales.

Selon M. Nneli, les hausses des températures, des changements spectaculaires dans les conditions météorologiques et de la destruction des écosystèmes marins ont largement contribué au dépeuplement des poissons dans les cours d’eau naturelles. « Ces choses comme l’empiètement de la jacinthe d’eau, de chaleur excessive et de récession de l’eau sont des signes du changement climatique et ses impacts sur le cycle de vie des poissons et autres animaux aquatiques ne peuvent pas être sous-estimés », a-t-il souligné.

Raufus Imoka, chef du département de l’Agriculture, du Gouvernement Local d’Anambra Ouest partage l’opinion de Nneli. Il attribut l’insuffisance des ressources halieutiques aux effets de l’inondation de 2012. « En 2012, les rives de la rivière Anambra étaient frappées par une inondation et la plupart des habitats naturels de poissons avaient été submergée ; la majorité des ressources halieutiques a migré ailleurs entraînant une baisse des ressources halieutiques dans la rivière d’Anambra. La baisse s’est poursuivie sans répit » a déclaré Imoka

Des Pratiques de Pêche Destructives

Pour sa part, Ozoekwe Okafor, un expert en pêche, agriculture et élevage, cependant, attribut la crise aux pratiques des pêcheurs. Selon lui, tandis que le changement climatique reste un facteur majeur dans l’épuisement des ressources halieutiques, le recours aux techniques destructives par les pêcheurs locaux également contribue de manière significative au déclin des ressources halieutiques. « Les écosystèmes marins et côtiers moyens de subsistance traditionnels sont confrontés à des pressions sans précédentes de la surpêche. Dans des pays comme le Nigeria, avec une capacité limitée et le manqué d’infrastructure pour la gestion des Pêches et la conservation, les pêcheurs et la pêche dans les eaux naturelles sont au bord de l’extinction », a déclaré Okafor.

M. Okafor, un ancien chef de Service, du Gouvernement Local d’Anambra Ouest, estime notamment que l’utilisation de filets de petite taille, les dynamites et les produits chimiques dans le cadre de la pêche ont contribué à l’appauvrissement de la population de la pêche dans la rivière. « Le danger du filet de petite maille, c’est qu’il récolte les poisons juvéniles censé maintenir le processus de procréation. C’est la raison pour laquelle (le filet a petite taille) a été interdit dans le monde, mais il est encore utilisé dans cette zone», a noté Okafor. « La Dynamite et l’utilisation de produits chimiques sont aussi dangereuses au même titre que le filet de petite taille, parce qu’ils ne font pas de distinction entre les poisons jeunes et vieux. Ils tuent simplement n’importe quel poisson dans son rayon de cible ».

Une autre pratique de pêche dangereuse qui contribue également à la dépopulation des poissons est la pratique de piégeage à l’aide de la cage des poissons a la recherche d’abri pour pondre des œufs, nos enquêtes ont-elles révélé. Dans la tentative désespérée d’attraper des poissons matures, nombreux sont des pêcheurs dans la zone qui positionnent habituellement leurs cages ou des filets dans des cours d’eaux ou sur les des chemins stratégiques des poisons pour les piéger sur leur chemin de voyage pour pondre des œufs pendant la période de la ruée.

« Les conséquences d’exterminer les poissons en état de reproduction, c’est que des milliers de poissons de nouveaux potentiels sont anéantis », a expliqué M. Okafor. « S’ils avaient placé leurs pièges pour les attraper (les poissons) après la ponte réussie, dans ce cas les dégâts auraient été minimes. »

Les Perspectives

Dans un climat de plus en plus de frustration parmi les pêcheurs locaux et des consommateurs de poisson frais sur l’épuisement des ressources halieutiques, les acteurs ont commencé à explorer des solutions pour la restauration. Certains des pêcheurs se résignent à leurs sorts, dans l’espoir d’une intervention divine. « Ce problème est en dessus de nous. Ainsi, nous pouvons soit espérer le miracle de Dieu à restaurer les poissons dans les rivières ou l’intervention du gouvernement », a déclaré M. Anekwe en regardant vers le ciel.

En revanche, Okafor insiste sur le fait que toute solution à la crise doit impliquer une procédure de check et mat des techniques de pêche destructives utilisées par les pêcheurs locaux et l’investissement dans la pisciculture mécanisée. Il, cependant, a souligné qu’il « est très difficile de damer le pion aux mauvaises pratiques en raison des faibles capacités de régulation gouvernementale et de conscientisation ».

« Les ’étangs à poissons sont la garantie que nous avons pour un approvisionnement régulier de poissons frais dans cette partie du monde pour l’instant, étant donne que les poissons dans les eaux naturelles ont été décimés et il nécessitera des efforts laborieux et un long processus pour pouvoir les restaurer », a-t-il ajouté.

Pour M. Raufus Imoka, la solution réside dans la pisciculture et le gouvernement prend l’initiative déjà sérieusement. « Le gouvernement d’Anambra facilite l’introduction des étangs a terre ou artificiels dans la région et encourage plus de gens à entreprendre la pisciculture pour accroitre considérablement la quantité et rehausser la qualité des poissons frais disponibles pour la consommation locale », a-t-il révélé.

Par Olisemeka Sony

Traduction : Alpha Aboubacar Barry

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