Burundi : Des pêcheurs victimes de vols à mains armés

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Dans différentes zones de pêche bordant le lac Tanganyika, la réalité est que beaucoup de pêcheurs craignent pour leur sécurité. Jumaine Nyabenda, 55 ans, est parmi plusieurs pêcheurs, victimes des vols à mains armés perpétrés dans ce grand réservoir d’eau douce.  Pêcheur depuis 1980, il n’encaisse aujourd’hui qu’un tiers de ses entrées, il y a quatre ans. Son récit.

Sa peine est immense, mais Jumaine Nyabenda, tente de garder la tête haute. « C’est très difficile à expliquer », dit-il après un long soupire. « Il y a quatre ans, j’avais quatre bateaux de pêche, une vingtaine d’ouvriers », laisse entendre le quinquagénaire, la voix envahie d’émotion, assis à quelques mètres des rives du lac, au site de pêche de Mvugo dans le Sud du Burundi.

Aujourd’hui, Jumaine Nyabenda ne possède qu’un seul petit bateau. Il se rappelle dans les moindre détails cette nuit fatidique où des hommes armés ont assassiné un de ses hommes et lui ont volé trois moteurs, plusieurs batteries et d’autres matériels.

La voix nouée par la douleur, il raconte : « C’était vers 1 h du matin, nous étions très loin dans le lac. Soudain, des bandits armés ont fait irruption en provenance des eaux congolaises. Ils se sont mis à tirer en l’air pour nous faire peur et nous obliger à nous arrêter », renseigne-t-il, ajoutant qu’un de ses ouvriers a reçu une balle dans la tête en tentant de résister.

« Je n’oublierai jamais ce jeune brave. Il était le pilier de mon équipe », ajoute-t-il, notant que sur le coup, trois moteurs, et d’autres matériels ont été volés. Et de poursuivre son récit ahurissant : « Moi, j’ai été fait prisonnier pendant des jours. Et pour me relâcher, ma famille a dû verser une grande somme d’argent comme rançon. Cagoulé, les ravisseurs m’ont amené sur le sol congolais », confie le pêcheur.  Pour lui, être toujours en vie, c’est un miracle.

A titre illustratif, ce père de sept enfants précise qu’un seul moteur s’achète à plus de 3600 USD, une batterie à plus USD 150. Sans compter le coût des cordes, des filets, des lampes, etc.

Un mois après ce drame, Jumaine Nyabenda, a retrouvé sa famille à Nyanza-Lac sain et sauf. Petit à petit, il s’est remis de ce coup, avec l’assistance de ses amis. Aujourd’hui, il a repris son activité avec un de ses bateaux qui était en panne. « Aujourd’hui, c’est par manque d’autres métiers à faire. Je ne suis pas sûr de me remettre pour bientôt », confie-t-il, tout en précisant qu’après ce coup, le niveau de vie de sa famille a considérablement chuté. « Avant j’avais des ouvriers, mes entrées tournaient autour d’une trentaine de millions de Fbu par mois (environ USD 17500). Face à la diminution des poissons dans la partie burundaise du lac, au coup élevé du carburant, actuellement, c’est à peine que j’encaisse 1 million de Fbu (autour de 600 USD) au bout d’un mois de travail », mentionne M. Nyabenda, qui demande que la sécurité des pêcheurs soit renforcée. « C’est par miracle que nous avons vu notre frère revenir », se réjouit Canisius Bukuru, un habitant de Mvugo, qui plaide pour la sécurité des pêcheurs. Il mentionne d’ailleurs que ces bandits armés viennent pour la plupart des fois de la République démocratique du Congo (RDC) et opèrent en collaboration avec quelques burundais.

Dans sa famille, c’est la résignation. « Notre niveau de vie a bien sûr chuté mais ce qui compte beaucoup pour nous, c’est que notre papa est en vie », déclare un de ses fils, lui aussi pêcheur. Il signale cependant que son père a dû vendre ses deux motos, un poste téléviseur, pour reprendre la pêche. Selon lui, leur quotidien a brusquement changé et ses deux sœurs ont abandonné l’école suite au manque des frais de scolarisation et se sont mariées alors qu’elles étaient déjà au secondaire.

Evoquant d’autres cas de vols ou de criminalités dans ce lac, comme celui de la nuit du 17 juillet 2016, où deux pêcheurs ont été tués, Gabriel Butoyi, président de la Fédération des pêcheurs demande aux autorités burundaises de prendre des mesures pour stopper ces actes de vols et de criminalité. Ce qui devrait se passer par le renforcement, selon lui, de la collaboration entre le Burundi et la RDC.

Côté administration, Gad Niyukuri, Gouverneur de Makamba, une des trois provinces du Burundi ayant accès sur le lac, reconnait que des cas de vols armés dans le lac existent.  Il demande ainsi aux pêcheurs d’être solidaires, d’informer les forces de l’ordre à temps. Un appel lancé aussi par Colonel Gaspard Baratuza, porte-parole de l’armée burundaise indique que les militaires de la marine ne peuvent pas être partout dans le lac.

Les eaux du Lac Tanganyika sont partagées entre quatre pays : Burundi (8%) ; République Démocratique du Congo (45°%) ; Tanzanie (41%) et la Zambie (6%).

Rénovat Ndabashinze

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